Revell 00500 1/48 Vis Aérienne |
Revell 00500 1/48 vis aérienne de Léonard [2010]
Pour les amateurs de voilures tournantes, la sortie d’une maquette de la vis aérienne (i) ne manque pas d’intérêt, tant les travaux de Léonard de Vinci sont nimbés d’une aura particulière… C’est aussi la traduction en trois dimensions d’une unique source, un petit croquis assorti de quelques lignes de commentaire. La formation de Lionardo di ser Piero Da Vinci (1452-1519) à l’école d’Abaco(ii), puis dans l’atelier d’Andrea Del Verrocchio, l’avait préparé à approfondir des savoirs techniques qui ne se limitaient pas à l’art pictural et statuaire. Faisant preuve de talents peu communs, il fut remarqué très tôt par Laurent de Médicis (iii) qui le recommanda chaudement à Ludovic Sforza, dit « Le More », duc de Milan. Auprès de Sforza, entre 1481 et 1495, Vinci s’est révélé comme un technicien de haute volée dans le génie civil et militaire. Le dessin de la vis aérienne, dessinée dans ce cadre, se situe vraisemblablement dans la lignée de ses travaux militaires, et date des environs de 1490. Un dessin qui a connu un cheminement complexe pour nous parvenir. Arrivé en France en 1796, il est toujours conservé par la Bibliothèque de l’Institut, à Paris. On retiendra qu’avant sa première publication, qui remonte à 1881, seules quelques personnes connaissaient son existence. Ainsi, la mort dans l’âme, doit-on relativiser largement la légende : Léonard de Vinci ne peut pas avoir été l’inspirateur de l’hélicoptère que l’on a décrit…
Que sait-on de la vis aérienne ? L’objet est un simple croquis de principe de petites dimensions, accompagné de ce commentaire : - « Que l'extrémité de la vis soit un câble de fer de la grosseur d'une corde et que du centre au cercle, il y ait 8 brasses. Si cet instrument, qui a la forme d'une vis est bien fait, c'est-à-dire fait d'une toile de lin dont les pores sont bouchés avec de l'amidon, et si on le fait tourner rapidement, j'estime que cette vis fera son écrou dans l'air et elle s'élèvera. Prends exemple d'une règle large et mince, violemment déplacée dans l'air ; tu verras que ton bras suit, dans son déplacement, l'arête de cette planchette. L'armature qui sous-tend la toile ci-dessus sera de roseaux longs et forts ; on peut faire un petit modèle en papier dont l'axe sera une mince lame d'acier, soumise de force à un mouvement de torsion ; rendue à sa liberté, elle fait tourner l'hélice. » Léonard n’a fait aucun montage, ni aucun autre dessin de cette machine. Étonnamment, toutes les maquettes que l’on en connaît datent du XXème siècle et n’y sont que partiellement fidèles, alors que le talent de son auteur en fait une bonne restitution de la pensée de l’inventeur... La maquette Revell pourrait donc être une opportunité de projeter clairement, aussi précisément que possible, l’idée de Vinci. Hélas… Hélas l’analyse montre vite que l’objet n’est guère fidèle à l’idée du génial florentin. Beaucoup de caractéristiques ne sont pas respectées, les proportions, même divergent largement. On peut se demander comment le fabricant a préparé cette maquette… Un génie tel que Vinci méritait à l’évidence un meilleur traitement… Pourtant, la boîte de la maquette contient une reproduction sur tissu du fameux dessin (iv), dont les proportions par rapport à l’original sont correctes. Certes, très curieusement certains détails en ont été gommés (…). Au moins peut-on s’en servir pour appréhender les principales proportions de l’appareil. Les bonnes reproductions ne manquent pas, en particulier sur internet. A leur examen, on peut décrire l’objet représenté par Vinci comme suit : une sorte de plancher circulaire, divisé en deux parties concentriques, constitue le « piétement» de la machine. Un mât vertical est fiché au centre du plancher intérieur ; il est maintenu par trois grandes contrefiches prises au bord marginal du plancher extérieur, et supporte une large voilure en forme de vis sans fin, à rayon décroissant de bas en haut, qui décrit un peu moins de deux tours de spire. Les contrefiches sont reliées au mât par l’intermédiaire d’une sorte de gros collier. La voilure est reliée au bord marginal du plancher extérieur par cinq haubans. Le mât est entouré en partie basse de deux cylindres superposés, de diamètres différents, qui évoquent une sorte de bobinage. Au-dessus, à mi-hauteur de la structure, un simple trait horizontal en travers du mât figure ce qui peut être une barre transversale. Des traits obliques organisés en flux englobent toute la machine, figurant son mouvement. Pour ceux qui souhaiteraient essayer de compenser les carences de la maquette, il peut être utile d’essayer de comprendre le dessin… D’abord, quelles parties de la machine sont rotatives ? En fait, on peut voir que tout l’appareil tourne autour du mât, à l’exception du plancher intérieur. La voilure est rotative, bien sûr, donc le mât, seul dispositif connexe, aussi. La barre horizontale traverse le mât ou figure en fait deux barres alignées. En outre, les haubans relient la voilure au plancher extérieur, ce qui implique qu’il tourne aussi. Et comme c’est ce plancher qui supporte les contrefiches du mât, on peut inclure ces dernières dans les éléments tournants. Ensuite, comment la voilure est-elle entraînée ? Revell a fait à cet égard une impasse assez surprenante. Son système d’entraînement comporte quatre barres positionnées en croix autour du mât à la façon d’un cabestan. Et c’est leur rotation, procurée par la force physique de l’équipage, qui est censée faire tourner la voilure… Que voilà donc une vue réductrice du génie de Vinci, capable d’imaginer bien autre chose ! A son époque le ressort spiral était largement utilisé, et il n’a pas manqué de s’y intéresser. En 1478, il avait imaginé une « voiture » à trois roues, propulsée par la détente de ressorts spiraux, montés dans des tambours. Il semble évident que les pièces cylindriques que l’on distingue au pied du mât (sur les dessins non-expurgés, bien évidemment-) peuvent être des ressorts spiraux, superposés pour réduire leur encombrement. Et que les barres transversales servent à remonter lesdits ressorts… Il est clair que manquent au dessin bien des détails qu’une machine réelle aurait incorporés, comme un dispositif à levier pour débloquer les ressorts après leur remontage. De là à se lancer dans l’invention pure et simple, il y a un pas que Revell n’aurait peut-être pas dû faire. Pourquoi incorporer un dispositif fantaisiste comme cette « cage » qui tourne autour d’un mât fixe ? Selon quel(s) critère(s) les contrefiches, sur la maquette, sont-elles au nombre de quatre, comme les barres transversales ? A part l’erreur historique ainsi véhiculée auprès des acquéreurs de cette maquette, on voit mal ce que cela apporte. Il y a certes des impératifs commerciaux bien compréhensibles. Mais il y a aussi et le respect dû à l’œuvre d’un esprit particulièrement brillant. Dans l’optique de se lancer dans un «scratch » un peu plus fidèle à l’œuvre de Vinci, il peut être utile de mettre en rapport la maquette et ses dimensions avec les proportions du dessin, pour mieux « visualiser » l’éventuel appareil réel. Ainsi voit-on tout de suite que la voilure de la maquette est beaucoup trop petite par rapport à la structure. Par contre cette dernière semble correctement proportionnée. Partant, si l’on cherche à approcher les dimensions de la machine, on peut essayer de déterminer l’échelle–évidemment approximative- du dessin fourni par Revell. Pour cela, on dispose de deux éléments qui peuvent être corrélés :
1- la seule dimension donnée par Vinci. L’interprétation de Revell à ce sujet est très hasardeuse. Le commentaire, qui indique la longueur de 8 brasses « du centre au cercle », veut à l’évidence identifier un rayon. Mais lequel ? La partie « noble », essentielle, de la machine, est la voilure spiroïdale, dont le rayon est décroissant ; il semble donc logique que Léonard ait voulu en dimensionner le rayon maximal. Mais comment a-t-il déterminé ce rayon : depuis le bord du mât, ou depuis son axe ? J’ai opté pour le bord, en considérant que dans la démarche de l’inventeur le diamètre du mât est bien moins important que l’étendue de la voilure, d’autant plus qu’en pratique cela permettait de mieux « visualiser » intellectuellement le rayon en se reportant à une pièce de drap(v). L’unité de mesure en question est la brasse de Florence, ou coudée florentine, qui est différente selon qu’elle est utilisée par le maçon et le charpentier (coudée de terre) ou le drapier (coudée de drap). On peut penser que Vinci a utilisé la coudée de drap, d’autant que son appareil devait y faire appel pour sa construction et qu’elle est très précise (58,42 cm).
2- La barre fichée dans le mât. Destinée à être poussée à la manière d’un cabestan, son hauteur au pont est essentielle à l’efficacité de la manœuvre. Or sur les cabestans de cette époque (l’invention remonte vers l’année 1400) voire plus récents, les barres d’entraînement sont placées entre 1,20 m. et 1,30 m de hauteur par rapport au plancher sur lequel circule le personnel de manœuvre. Le dessin fourni avec la maquette peut être utilisé pour cette mesure, qui consiste à rechercher l’échelle du dessin tel que reproduit par Revell. En partant du rayon maximal (en bas à gauche sur la spire) on obtient une échelle très proche du 1/120ème, qui est validée par la hauteur de la barre transversale sur le dessin, laquelle, reportée au 1/120ème, se trouve à environ 1,20 m du plancher . Ainsi peut-on obtenir des dimensions certes peu précises, mais largement plus réalistes que la maquette de Revell, dont les dimensions varient entre le 1/27ème et le 1/39ème…
La « vis aérienne » : montage de la maquette Il ne présente globalement pas de difficulté, à la condition de lire soigneusement la notice et d’examiner les composants avant de commencer le travail d’assemblage. Après un premier examen des composants, j’ai résolu d’utiliser la colle cyanoacrylate en gel pour tous les collages à l’exception du mât 3. Etape 1 : Le socle1, l’anneau rotatif 2 et le mât et doivent être collés ensemble (au passage, le socle fait de fait partie de la maquette, et il aurait été plus réaliste que son diamètre soit égal à celui de l’anneau rotatif). Cependant j’ai réservé le collage du mât, afin de pouvoir plus facilement l’utiliser pour les montages à blanc et le collage du dispositif d’entraînement de la voilure. Bien m’en a pris, car il m’a fallu poncer le mât, un peu trop épais pour que le dispositif d’entraînement qui l’enserre comme une cage puisse tourner librement. L’opération n’en a été que plus facile. J’ai ensuite assemblé le dispositif d’entraînement en utilisant le mât comme gabarit, et en réservant certaines pièces. A l’étape 3 j’ai réservé le collage des barres de remontage 8. Je ne les ai collées qu’après avoir assemblé les deux sous-ensembles du dispositif d’entraînement, en profitant de ce qu’alors leur logement est alors en trois dimensions. A l’étape 5 je n’ai pas collé les contrefiches obliques 12, me contentant de les monter à blanc. Je ne les ai collées qu’à la fin de l’assemblage, à l’étape 7. De cette manière l’ensemble d’entraînement et la voilure sont restés nettement plus maniables, sans pour autant m’empêcher de les ôter du mât si nécessaire. ce qui n’a pas manqué d’avantages lors de la partie la plus délicate, le collage de la toile sur l’armature de la spire. J’ai collé la toile en partant du bas. La toile est un peu plus grande que de nécessité ; aussi ai-je pu la tendre correctement sur l’armature, après l’avoir collée sur le rayon, avec des pinces à clamper que j’ai laissé pendre sur le bord marginal. Il faut cependant être particulièrement soigneux dans cette partie du montage : la toile se détisse facilement. Enfin à l’étape 8 j’ai essayé de me faciliter les choses pour obtenir un beau rendu des haubans. J’ai d’abord noué de petits morceaux de cure-dents de 7mm de long à l’extrémité des haubans. Ils m’ont servi de tendeurs, tout en figurant les vrais tendeurs que Vinci aurait très certainement utilisés. Après avoir passé la ficelle sans la coller dans les anneaux fixés à l’anneau rotatif 4, arrêtée par les tendeurs, j’ai noué l’autre extrémité sur l’armature de voilure en essayant de la tendre correctement. J’ai ensuite peaufiné la tension en enroulant très légèrement la ficelle (1/8ème de tour au maximum) autour de chaque tendeur à l’aide d’une pince, et en figeant le tout avec un point de colle. Pour ce qui concerne les trois haubans fixés en partie haute de la voilure, qui traversent la toile sur le premier tour de la spire, j’ai positionné les passages au mieux en mesurant les distances relatives et les hauteurs, puis j’ai percé avec précaution la toile avec une grosse aiguille avant d’enduire les lèvres du trou avec de la colle. Le résultat n’est pas trop mauvais. E la regardant, je ne peux m’empêcher de penser qu’il est bien dommage que cette maquette, qui a indéniablement fière allure, ne soit pas représentative du dessin, seule restitution de la pensée de Léonard de Vinci.
Remerciements à Revell pour le kit présenté ici.
(i) Vinci n’a pas nommé officiellement l’objet qu’il a dessiné. Ce nom est une interprétation de son commentaire. (ii) Les écoles d’abaques délivraient aux adolescents un enseignement scientifique, principalement mathématique, destiné principalement aux futurs commerçants. (iii) Dit Le magnifique, préside aux destinées de la République de Florence de 1469 à 1492 (iv) Le dessin de la vis aérienne y est accompagné du célèbre autoportrait de Turin, par une licence (…) que s’accorde Revell. L’autoportrait de Turin date de 1516 et n’a jamais voisiné avec la vis aérienne. (v) la formation de Vinci, en particulier à l’école d’Abaco, l’avait préparé à « visualiser » facilement des dimensions. Par contre, ce n’était pas systématiquement le cas de ses assistants, auxquels le commentaire est destiné…
© Philippe Boulay / Modelstories 2011 |
le socle, et les deux éléments de plancher. |
Le socle est notablement plus gtrand que le plancher, probablement parce qu’il est conçu comme élément de présentation. Mais dans les faits il tient l’ensemble en place, alors… |
Les deux sous-ensembles du dispositif d’entraînement imaginé par Revell |
Le dispositif d’entraînement avec les barres en place. Le haut est à droite |
Présentation à blanc de la maquette avec les rayons de voilure. |
La maquette avec l’ensemble de l’armature en place. On peut noter que Revell a prévu des lisses en bois pour border la voilure. Léonard prévoyait d’utiliser un « câble de fer ». |
Le système utilisé pour mettre la voilure en tension lors du collage. |
Un des petits tendeurs mis en place sur les œillets du socle pour régler les haubans. |
La maquette terminée. On peut voir que le système de haubans a bonne allure, et que les passages au travers de la toile ne déparent pas. |
La maquette présentée avec son « parchemin » et son petit cartel. |
Une reproduction du dessin « non expurgé ». On voit bien les pièces cylindriques au pied du mât |