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SCRATCH 1/72 A9b

Scratch A9b [2005]
                                                                       
EMW A-9

L'engin, qui n'exista qu'à l'état de projet, est une curiosité à plus d'un titre. Il devait être dérivé du V-2 et aurait été le premier avion suborbital, bien avant le X-15 et la navette spatiale. Wernher Von Braun, le grand spécialiste allemand des fusées, s'intéressait à la réalisation d'une version ailée de son modèle A-4, la célèbre V-2. Cependant, le haut commandement allemand voulait que l'équipe scientifique qui mettait au point les "armes de la vengeance" se concentre sur des travaux pouvant aboutir à plus court terme. Les militaires se méfiaient de savants qui rêvaient d'une hypothétique épopée spatiale. Les travaux sur le A-9, engin dont la réalisation paraissait trop lointaine, furent donc purement et simplement interdits. Von Braun poursuivit malgré tout ses recherches en les présentant comme le A-4b. Il fallut attendre que les dirigeants nazis se mettent à la recherche d'une arme capable de frapper un objectif plus lointain, comme l'Amérique, pour que le projet soit relancé.
Un très petit nombre de A-4b furent effectivement testés. Il en ressortit que ce modèle avait une portée beaucoup plus grande, mais aussi qu'il restait beaucoup de connaissances à acquérir pour maîtriser le vol supersonique d'un tel l'engin. Le projet présenté ici en maquette devait être l'aboutissement de ces recherches. Développé à partir de la fusée V-2, il aurait eu un fuselage allongé, un poste de pilotage et un statoréacteur sous l'empennage. Cet extraordinaire projet, resté assez nébuleux, fut présenté sous forme de "vues d'artiste" dans la presse aéronautique d'après-guerre.
Le Dr Wernher Von Braun, quant à lui, continua ses travaux sur les fusées aux Etats-Unis, et devint même un des cerveaux de la Nasa. On peut donc penser que les recherches menées dans le cadre du projet A-9, planeur spatial avant la lettre, ne furent pas perdues pour tout le monde...

La maquette

De par l'attrait actuel un peu trouble pour les projets "Luftwaffe 1946", plusieurs kits en injecté et en résine des descendants du V-2 ont été produits. Certains se présentent comme assez fidèles aux modèles de A-4b ayant réellement existé. Pour le reste il s'agit d'extrapolations assez libres, notamment lorsqu'il s'agit de versions du missile dotées d'un poste de pilotage.

Une interprétation de notre A-9 à statoréacteur existe sous forme de kit en résine dans le catalogue de la marque SHARKIT, dont les productions ont déjà fait l'objet de plusieurs analyses dans les colonnes de Modelstories.

Le peu de précisions disponible concernant ce projet nous laisse cependant toute latitude de nous amuser à un petit exercice de conversion intéressant. Si, dans une bourse ou dans une boîte à surplus, on peut mettre la main sur un kit de V-2, qu'il soit entamé ou non, c'est l'occasion de choisir la solution "budget".

Le Montage

Le kit utilisé ici est le V-2 au 1/72ème de Condor. Avant de se jeter sur la victime de ce jeu de chirurgie, le plus important  est de choisir sur quelle vue d'artiste ou plan publié vous aller baser votre travail car de nombreuses interprétations sont possibles, et les différentes illustrations publiées ne concordent pas...
La première opération à réaliser concerne le fuselage. Une section doit y être insérée pour le rallonger.  J'ai choisi de réaliser la découpe à l'endroit ou doit être installé le train d'atterrissage principal, ce qui permet de faire d'une pierre deux coups. Le plus important est de bien marquer l'endroit à scier et de suivre précautionneusement ce tracé afin d'obtenir une découpe bien d'équerre. Scier le fuselage d'une manière quelconque serait hypothéquer gravement la suite du travail. Heureusement, à cet endroit le fuselage est parfaitement cylindrique et non ogival.
Ensuite une longue plaque de plasticard de 1mm est coupée précisément à la largeur intérieur des coquilles de la fusée. Cette sorte de rail intérieur me permettra de coller les demi fuselages sciés parfaitement alignés, ce qui évite pas mal de conplications lors du collages des différents tronçons du corps de la fusée. Le compartiment du train principal permet de fixer automatiquement la largeur du tronçon ajouté pour la moitié inférieure.
Comme on l'aura compris, vous devez avoir choisi d'emblée où est le haut et le bas, car une fois le puit du train principal en place, il n'est plus possible de changer d'avis. Il faut ensuite creuser le puit du train avant et le poste de pilotage. Ces orifices devront être réalisés en restant bien dans l'axe et parfaitement centré.
il ne faut pas oublier de lester généreusement l'avant du fuselage, car beaucoup de détails vont être ajoutés autour de l'empennage, et l'engin aura tendance à s'asseoir sur son derrière plutôt qu'à rester d'aplomb sur son train tricycle. Il faut également réaliser en scratch le poste de pilotage si vous prévoyez de doter votre avion-fusée d'une généreuse verrière transparente.
Une fois le demi fuselage inférieur ainsi assemblé, on peut coller dessus les tronçons de la moitié supérieure, en profitant du guide d'alignement inséré dans la coquille inférieure. Il faut ensuite réaliser la section manquante sur le dos de la machine. J'ai profité de l'occasion pour tester une méthode qui permet de réaliser des courbes simples sans recourir au thermoformé. Il suffit de fendre en lamelles bien parallèles un plaque de plastique de la bonne largeur, puis de la casser en forme. Plus il y a de facettes, plus on est proche de la courbe recherchée.
Néanmoins le procédé exige un masticage - ponçage long et extrêmement soigneux, car il est difficile de rendre ce type de greffe totalement invisible. Expérience faite, il eut été bien plus simple de refermer sommairement le vide par un petit coffrage interne puis de reconstituer le dos du fuselage d'une bonne épaisseur de mastic de maquettiste, plus facile à poncer.

Pour installer le statoréacteur sous la tuyère, il faut scier à ras l'empennage inférieur, puis coller un cylindre en place, bien dans l'axe. Cela demande une certaine attention, car vous ne disposez d'aucun repère, et c'est le soin avec lequel vous avez préparé la zone à modifier qui va rendre le travail plus ou moins ardu. Le nez ogival d'une petite bombe ou d'un réservoir larguable du diamètre ad hoc, trouvé dans la boîte à surplus, est scié. Le nez de cette ogive est coupé en biseau, puis cette pièce est collée sur l'avant du statoréacteur pour former l'entrée d'air.
Tous ces collages secs, il faut profiler la jointure fuselage-statoréacteur au mastic. Ensuite vient la corvée du ponçage de tous les défauts de montage.

Les gouvernes et les ailes sont à réaliser en scratch. Une plaque de plastique de 1 ou 2 mm est coupée à dimensions, puis poncée en biseau sur de l'émeri à gros grain monté sur un bloc de bois parfaitement plat. Le mieux, en fait, est de couper vos pièces un peu grandes, car elles vont avoir tendance à rapetisser pendant le ponçage des tranches. Quand le profil en goutte d'eau est obtenu, il faut repolir les pièces au papier de carrossier à l'eau, puis couper les indentations des gouvernes et graver les lignes de structure à la pointe sèche.
Les anciennes gouvernes sont sciées et remplacées par les nouvelles pièces.

Pour achever le fuselage, reste à glisser la tuyère à sa place, puis les quatre petits déviateurs de jet qui contrôlent l'assiette de la fusée. Notons que cette zone est un petit point faible du kit du point de vue de l'exactitude. La tuyère ne devrait pas déborder du bord du fuselage mais au contraire il devrait y avoir un petit cerclage à structure figuré autour. Les déviateurs ne devraient pas être collés directement à leur emplacement mais montés sur de petits axes, et leur alvéole devrait comporter une coquille de protection thermique. Quant aux carénages présents entre les empennages, ceux qui sont biseautés devraient être ouverts à l'arrière et non pleins. Voilà du travail pour les pinailleurs!

Les ailes sont collées en place, avec un dièdre très net, sans doute destiné à compenser la perte de stabilité due à la présence du statoréacteur.

Il reste à confectionner une bulle pour le cockpit et un train d'atterrissage pour boucler le montage. Ces deux points, je le signale, sont ceux où j'ai choisi de me désolidariser des vues d'artiste publiées.

Doter un engin quasi-spatial d'une grande verrière transparente me semble pour le moins osé, surtout en se rappelant que la machine devait être construite avec la technique et les matériaux de la fin des années quarante. J'ai donc choisi de réaliser une "cloche" pressurisée dotée de tout petits hublots ronds. L'occasion de se faire la main sur un petit thermoformage simple. Un master en balsa est limé en forme, une contre forme en carton correspondante découpée. Un morceau de plastique est chauffé jusqu'à se ramollir complètement, puis le profilé en balsa y est repoussé en s'aidant du carton.
Une fois l'empreinte refroidie, la pièce est coupée puis façonnée pour s'adapter au fuselage. Attention à ne pas se couper où se brûler les doigts!

Le train à voie large montré sur les dessins publiés me pose deux problèmes. Tout d'abord il faut faire entrer tous ces appareillages et les structures qui les soutiennent dans une aile supersonique très mince; ensuite le train proposé n'offre aucune garde au sol pour empêcher le statoréacteur de râper la piste à l'atterrissage. J'ai donc pris la décision de figurer un train d'atterrissage d'une conception différente. Le maquettiste qui voudrait représenter scrupuleusement le projet officiel tel qu'il exista devra tenir compte de ces deux points et NE PAS suivre aveuglément le présent article.

La décoration

Si l'anatomie de l'engin est pure conjecture, on se doute qu'il en est de même pour sa décoration. On peut penser qu'un tel appareil aurait effectué ses premier vols avec une peinture très visible permettent de l'observer en vol. Voilà une occasion de tester la méthode développée dans la rubrique "Trucs et Astuces" de Modelstories pour réaliser la peinture en damier. Au cas où vous tenteriez l'aventure, il est utile de se rappeler que cette peinture par panneaux asymétriques était conçue pour que CHAQUE facette de la machine présente un aspect notablement différent, ce qui devait permettre d'observer de son comportement dans les différentes phases du vol. On peut se référer avec soin au schéma de panneaux noir et blanc des V-2 et A-4b d'essai.
Pour ma part, j'ai imaginé que les surfaces supérieurs de l'engin auraient été rapidement camouflées pour éviter à l'engin d'être repéré par les alliés. Il y a donc des restes de la peinture du centre d'essai côté intrados, et un camouflage aux tons de la Luftwaffe sur les surfaces supérieures, tandis que les croix allemandes simplifiées sont appliquées en gris terne.
Une petite étrangeté de principe est constatée sur les photos de V-2: "l'arme miracle" des nazis n'était pas ornée de la croix gammée... donc j'ai laissé les svastikas pour plus tard.

Et voici une maquette de plus à exposer. L'aspect hybride de l'engin ne manquera pas de susciter la curiosité.

Un photoscope consacré au Aggregat A4 et à ses dérivés : V2
                                                                                         

© Patrick Laurensis /  Modelstories 2005

La boite utilisée comme base de l'exercice

fuselage

Les différentes étapes de réalisation du cockpit

Logements de train

Train complet

Réalisation des gouvernes

Réacteur et gouvernes

Modèle terminé