Bien que Hugo Pratt ait consacré des albums entiers à des aviateurs (Saint Exupéry : dernier vol ; En des cieux lointains), il n'y a que peu d'avions dans le paysage plus fantastique de Corto.
Toutes les cases tirées des Bandes Dessinées sont copyrightées Hugo Pratt/Editions Vaillant ou Hugo Pratt/Editions Casterman et ne sont présentées ici qu'à titre d'illustration.
Nota : à l'époque l'auteur de ces lignes (encore jeune) tendait coloriser toutes les BD en N&B qui lui tombaient entre les mains . Photoshop a essayé de remettre de l'ordre dans tout cela . Hélas il reste encore quelque traces. Que l'on veuille bien nous en excuser.
Cotes de nuit et Roses de Picardie
publié initialement par les Editions Vaillant vers 1970. Cette histoire est bien étrange car si elle raconte fidèlement la mort du Baron Rouge, un certain nombre de détails ne sont pas conformes à la réalité historique. Comme d'autres détails sont eux corrects il semblerait qu'il y ait là une volonté de Hugo Pratt de positionner sa BD dans un univers décalé, uchronique.
L'histoire débute le 20 Avril 1918, veille du jour de la mort de Manfred von Richtoffen (21 Avril 1918 ce qui est correct). Le Baron Rouge vole sur un Fokker Dr1 (triplan) non identifié dans la BD mais décrit comme étant "rouge". Sa dernière victime est un Sopwith Camel (mais page 2 une case semble représenter un curieux appareil de type "parasol") immatriculé N51** piloté par un certain Lieutenant Lawrence. Ici première remarque : il n'était pas dans les habitudes des belligérants durant la 1GM de mettre leur nom sous le cockpit. Seconde remarque la dernière victime du Baron Rouge est bien un Camel mais le B7393 piloté par le Lieutenant David Lewis. Par contre l'immatriculation N51** peut être rapproché de la dépouille du N5193 accroché dans la salle d'opération de la Jasta 11. N5193 était la 16ème victoire du Baron. Le Baron retourne se poser au terrain de Cappy qui était effectivement sa base à l'époque. Le Lendemain (21 Avril donc) il attaque une paire de Camel en se concentrant sur celui d'un jeune pilote , le Lt Cain Grosvenore. Le nom du deuxième pilote anglais reste inconnu dans la BD. Dans l'histoire officielle , le jeune pilote poursuivi par Manfred von Richtoffen s'appelait Wilfried May , tandis que l'autre pilote qui revendiqua la victoire sur le Baron Rouge s'appelait Brown. Diverses unités Australiennes sont survolées à basse altitude et tirent sur le Fok Dr1 dont la 24ème Compagnie de mitrailleurs qui fait en effet partie des "candidats" à l'honneur d'avoir abattu le Baron. L'atterrissage du Fokker est brusque mais ce n'est pas un crash : c'est en effet comme cela que çà c'est passé. Aussitôt après l'atterrissage arrivent "ceux de la RAF". Là aussi c'est authentique car la RAF venait d'être créée le 1er Avril par fusion du Royal Flying Corps et du Royal Naval Air Service. Dans le ciel plane un oiseau de mauvais augure : un Albatros DV piloté par Hermann Goering qui devait effectivement succéder à von Richtoffen à la tête de l'escadrille. Considérant que Goering est surtout connu comme membre influent du (à l'époque futur) parti nazi et commandant en chef de la (future) Luftwaffe, Hugo Pratt veut-il signifier ici que la mort peu chevaleresque (abattu du sol, cadavre dépouillé après le crash) du « Baron Rouge » marque la fin de l'ère des « Chevaliers du Ciel » pour entrer dans l'horreur de la Deuxième guerre mondiale et du nazisme ? Je laisse le lecteur seul juge…. A noter un Fok DVII en arrière plan en page 9 . Les premiers, encore plus ou moins expérimentaux arrivèrent début Avril en unité.
Le kit Airfix annoncé comme « New » n'est toutefois qu'une réédition d'un kit des années cinquante qui a toutefois toujours été bien perçu par les collectionneurs : pour l'analyse de ce kit cliquer ICI
Côtes de nuits … : Le Sopwith Camel du pilote inconnu (Brown historiquement) qui revendiqua la victoire sur le Baron Rouge. Là aussi vous n'avez que l'embarras du choix question kit du 1/72 au 1/8.
Lothar (à gauche) et Manfred (à droite) von Richtoffen devant l'un de leur Fokker Dr1.
Source : Fokker Dr1 In Action (Squadron-Signal)
Côtes de nuits… : Le Sopwith du « Lt Lawrence » nous écarte de la réalité historique ...volontairement ?
Côtes de nuits …: Par contre la présence dans le ciel d'un Albatros piloté par Herman Goering n'a rien de surprenant...
Sous le drapeau de l'argent
Autre aventure de Corto durant la première guerre mondiale. Celle-ci est antérieure car elle se passe durant la bataille de Caporetto sur le front Italie /Autriche en Octobre 1917. Cette bataille se traduisit par l'effondrement des troupes Italiennes (alliées en 1917) qui reculèrent de plus de 100 km devant l'offensive d'un jeune officier nommé …Erwin Rommel. Effectivement dans la BD les Italiens sont peu présents, juste un bersaglier (reconnaissable à sa plume noire sur son casque Adrian) blessé page 2. Si la présence de la croix rouge américaine peut s'expliquer (l'American Red Cross a été en effet très active sur tous les fronts) dans cette histoire il semble toutefois étrange d'y voir des Français et des Ecossais.
L'histoire débute à bord d'un Drachen (Ballon d'observation amarré) piloté par le Lieutenant Radesky . Celui-ci sera par la suite abattu par le Phoenix D1 du Hauptmann Brumowsky. Ce dernier est un authentique as Austro-Hongrois de la 1ère Guerre Mondiale qui décrocha 35 victoires confirmées. Le Phoenix D1 est à ses débuts au moments où se passe l'affaire car en Octobre 1917 onze machines seulement avaient été livrées. Cet appareil fut vite reconnu (y compris par les Allemands) comme un avion d'excellente qualité. Il est donc logique que l'on retrouve à son bord l'un des As Austro-Hongrois. A noter les bandes rouge/blanc en bout d'aile (bon noir/blanc vu que la BD est en N&B) ne devraient pas apparaître sur l'avion de Brumowsky car elles dénotent un aéronef naval alors que Brumowsky était un pilote de l'armée.
Sous le drapeau …: Le Drachen de Radesky reste lui un problème pour le maquettiste quoiqu'il doivent exister des modèles thermoformés de ce sujet.
Sous le drapeau …: L'avion de Brumowski n'a généré que des kits en thermoformé au 1/72 et au 1/48.
Les Lieutenant Linke-Crawford et Brumowski en grande discussion devant l'un des Albatros pilotés par ce dernier. C'est peut-être cet appareil qui a inspiré l'Albatros de « l'Ange… » Source : Albatros DIII Oeffag , JaPo
L'Ange à la fenêtre d'Orient
Toujours durant la première guerre mondiale, à Venise, Corto se trouve confronté à une espionne Autrichienne qui est comme lui à la recherche des cartes menant à la 7ème ville d'or de Cibola. Les avions ne sont qu'incidents dans cette aventure. Le premier, un Albatros DIII (OEW) à dérive agrandie semble curieusement porter les marques (nez et queue blanches sur fuselage noir) de l'appareil d'Herman Goering à la Jasta 27 alors que la tête de mort paraît inspirée d'un Alb D.V capturé en France . Les as autrichiens Brumowski et Arigi ont aussi marqué ainsi leurs Albatrii (Brumowski : crâne seul, sans les tibias croisés). La tête de mort est un symbole très fréquent sur les avions de la 1ère Guerre Mondiale principalement dans les Empires Centraux.
Les autres avions de cette histoire prennent une part à peine plus active à l'histoire en bombardant Venise . Il s'agit d'Aviatik DI des séries 38 et 138. Corto abattra l'un d'eux (immatriculation inconnue) piloté par le Lieutenant de Ritter. On remarquera toutefois comment une fois de plus, Hugo Pratt a reproduit fidèlement la réalité, tout en la détournant car l'Aviatik était un chasseur monoplace qui eut été bien en peine d'embarquer des bombes alors que l'image qui nous en est donnée évoque presque un raid de bombardiers lourds Gotha comme ceux qui attaquèrent Londres et Paris en 1917-1918
L'Ange….: cet Albatros est juste le signal que l'histoire se passe en temps de guerre. Pour une analyse de la maquette Airfix cliquer ICI
L'ange …. : bombardement de Venise par des Aviatik DI des séries 38 et 138 fabriqués par la maison-mère à partir d'Août 1917
L'authentique « A » était immatriculé 38.58 et appartenait à l'escadrille Flik56 qui défendait Wiener-Neustadt à l'automne 1918 (source de l'illustration: Profile n°151)
Corto Maltese en Sibérie
Dans cette aventure, Corto Maltese, pour la première fois monte réellement à bord d'un avion et vole ...comme passager. « Avez-vous déjà volé ? » Lui demande le Lieutenant Jack Tippit de l'American Air Force , « Par tous les diables, non! » Lui répond Corto.
Si « l'American Air Force » (USAF) ne fut créée que le 18 Septembre 1947, l'US Army Aviation Section de 1918/1919 était effectivement équipée de De Havilland DH4 tels que montrés dans la BD. Les appareils déployés en Europe (rattachés à l'American Expedionnary Forces ) constituaient l'American Air Service dont les groupes de bombardement étaient équipés de DH4, un avion de conception anglaise construit sous licence aux USA avec un moteur Liberty américain. Sur les 3000 DH4 produits fin 1918 seulement 1200 arrivèrent en Europe dont 300 rejoignirent la Zone de Combat. Combien furent envoyés ensuite soutenir les troupes « blanches » en Russie ? Très peu probablement . La décoration vert olive partout montrée dans la BD est conforme aux appareils produits à la fin de 1918 et les cocardes américaines (qui reprenaient les anciennes cocardes tsaristes!!) au hauteur des gouvernes confirment cette datation (très imprécise dans la BD puisque l'aventure commence un … 34 Décembre 19..)
Corto Maltese en Sibérie est l'occasion du baptème de l'air du héros.
Sibérie : cette case montre une escadrille de 3 DH4A aux couleurs américaines de fin 1918, début 1919 (à cause de la position des cocardes qui étaient au milieu de l'aile en 1917 et passeront à l'extrémité de l'aile en 1919
La décoration entièrement vert olive est correcte mais la cocarde de fuselage est peu fréquente.
Au niveau maquette Airfix a un kit au 1/72 de DH4 anglais très fin qui rentre et sort régulièrement du catalogue , Aurora un DH4 anglais au 1/48 plus rustique et AMT une version Liberty au 1/48 .
Corto Maltese et la Cour Secrète des Arcanes
Le dessin animé sorti en Octobre 2002 est assez fidèlement adapté de l'album « ...en Sibérie ». A ce titre le De Havilland DH4 américain y apparaît, curieusement affublé de ...cocardes françaises (rouge, blanc, bleu) au lieu des cocardes américaines de l'époque (rouge, bleu, blanc). La gouverne de queue est bien, elle, restée aux couleurs américaines avec le rouge « devant ». Quand aux ailes supérieures elles sont purement et simplement dépourvues de marques de nationalité. Les recherches effectuées pour cet article n'ont toutefois pas permis de préciser si les troupes américaines débarquées en Août 1918 à Vladivostok étaient appuyées par de l'aviation. Un point intéressant toutefois réside dans le rôle important joué dans l'aventure par les trains blindés. Par un accord entre les différents belligérants « alliés » (contre l'Allemagne initialement, puis contre les Bolcheviques!), le contrôle du Transsibérien fut confié aux Russes Blancs et aux Japonais. Ceci explique que le train blindé « Destructeur » (terminologie authentique de l'époque, chaque train ayant droit à son petit nom charmant) « cadeau des japonais » dans le film. Et, de fait si il ne semble pas que l'Amiral Koltchak ait eu un train blindé, son bras droit Semenov en possédait...sept! Ces trains selon la mission militaire française (oui la France était aussi « mouillée » de cette affaire) étaient « sans valeur militaire.Leur armement se composait de canons anciens...la protection ...était constituée par quelques madriers soutenant des tôles minces à la merci du moindre coup de canon » (cité in « Les Trains Blindés 1826-1989 « par Paul Malmassari chez Heimdal). Ils furent finalement détruits « à la grenade » par l'infanterie américaine.
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Belle photo du DH4 endommagé par les tirs du train blindé de la « Comtesse » . On voit bien la couleur khaki appliquée à l'ensemble de l'appareil est les cocardes françaises (gaffe qui n'était pas dans la BD originale, comparez avec les illustrations ci-dessus) sous les ailes. Photo : www.cortolefilm.com
